Comme tout bon citoyen désirant participer à l’effort collectif de recyclage des matières, vous amassez bouteilles et canettes et les rapportez chez votre marchand pour en récupérer la consigne. Une démarche qui n’a pas toujours les résultats escomptés.
Sur une centaine de canettes, la machine n’en prend que 6. Vous vous dirigez vers le comptoir de service avec le reste. Le marchand fait son tri. Il vous redonne celles qui portent la mention «recyclable» et repousse également une partie des bouteilles et des canettes identifiées comme «consignées». «On ne vend pas ces marques de bière ici, madame.»
Vous repartez donc avec quelques dollars et un sac encore plein de contenants dont plusieurs pour lesquels vous avez pourtant payé une consigne. Vous faudrait-il faire la tournée de tous les magasins où vous avez fait vos achats pour les retourner? Finalement, le voisin qui met tout ça dans le bac de récupération n’est peut-être pas si con, finalement. Mais qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans notre système de consigne?
Bientôt, ce cauchemar fera partie du passé. En effet, le gouvernement a pris les choses en main en vue de moderniser les systèmes de consigne et de collecte sélective. Ainsi, dès décembre 2022, un nouveau fonctionnement plus performant devrait entrer en vigueur.
À quoi peut-on s’attendre?
Selon Sophie Langlois-Blouin, vice-présidente aux opérations chez Recyc-Québec, organisme qui encadre la démarche de modernisation de la consigne, l’industrie s’est mobilisée depuis l’adoption, en mars dernier, du projet de loi 65 donnant au gouvernement le pouvoir de réformer le système de consigne.
«On mène énormément de travaux de concertation avec les gens de l’industrie, microbrasseries et autres, pour imaginer le système de consigne de demain. Il faut qu’il réponde aux attentes des consommateurs, mais aussi des producteurs de boissons, car c’est eux qui seront responsables de mettre en oeuvre le système qui sera adopté. Ils devront se regrouper au sein d’un seul organisme de gestion désigné et créer ce système, le mettre en place et l’encadrer», explique Sophie Langlois-Blouin.
L’intention du gouvernement est d’appliquer le principe de responsabilité élargie des producteurs, en rendant les entreprises responsables des produits, contenants et emballages qu’elles mettent en marché, jusqu’à la fin de leur vie utile et de leur réutilisation.
Dès cet automne, le dépôt d’un projet de règlement est attendu, lequel sera suivi de projets pilotes et d’une période de consultation en vue de perfectionner le nouveau système. Celui-ci devrait être officiellement en fonction en décembre 2022.
«Jusqu’ici, c’est le contenu, bière ou boisson gazeuse, qui déterminait si un contenant était consigné ou pas. Maintenant, on s’en va vers autre chose», révèle madame Langlois-Blouin.
Les contenants de type prêt à boire de 100 millilitres à 1 litres pourraient devenir consignés, incluant les bouteilles de vin et d’eau gazeuse, peut importe qu’ils soient en verre, en métal, en plastique ou en carton multicouche.
Alléger le fardeau des détaillants
Stéphane Lacasse est directeur des affaires publiques et gouvernementales à l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ) qui regroupe épiceries, dépanneurs et boutiques spécialisées.
«En ce moment on gère 2,2 milliards de contenants consignés et on va passer au dessus de 4 milliards. Il faut voir comment ça va se passer en magasin. On est déjà en manque de personnel et même si on s’en occupe, la consigne n’est pas notre raison d’être. Ce qu’on espère c’est qu’on mette en place des sites dédiés, où les gens pourraient se diriger», explique t-il.
Le ministre l’a annoncé, l’obligation de reprise actuelle des détaillants pourrait ne plus tenir. D’ailleurs, les marchands ne font pas d’argent avec la consigne, rappelle Stéphane Lacasse.
«En réalité, ça nous coûte de l’argent. Pourquoi ne pas en profiter pour changer le système et trouver une meilleure façon de gérer ça? Autant en ville qu’en région, il s’agit de déterminer les pôles commerciaux, par exemple près d’un magasin plus central, d’une épicerie ou d’une SAQ, pour y créer un site dédié. Ce serait plus facile pour les consommateurs de tout ramener à un seul endroit, et plus facile pour les récupérateurs aussi.»
Les projets pilotes qui seront mis en place cet automne permettront de tester la réceptivité des consommateurs, tout en vérifiant certaines hypothèses, dont par exemple la nécessité ou non d’avoir un préposé sur les lieux.
La réflexion en cours amène l’industrie à se questionner. «Rendu en 2021, il faut se donner toutes les chances pour faciliter le recyclage. Pourquoi ne pas adopter des formats de bouteilles uniformes? On comprend qu’il y a un désir de se démarquer, mais c’est par le contenu qu’il faut se démarquer, ou encore par les étiquettes», suggère Stéphane Lacasse.
Consigner, pour mieux revaloriser
Le montant de la consigne sera augmenté afin d’inciter les citoyens à participer annonce Sophie Langlois-Blouin, de Recyc-Québec. «On va s’assurer que toutes les régions soient desservies, que le système soit plus facile et plus simple à utiliser. La participation citoyenne, c’est la clé de voûte du système.»
L’objectif de la consigne est d’opérer un tri à la source, rappelle celle-ci. «Mettre ces contenants à la récupération c’est bien, mais ils seront récupérés comme matière première, et pas nécessairement à leur plein potentiel. Certains de ces contenants, comme les bouteilles de bière, peuvent être remplis plusieurs fois. C’est important de les retourner pour que les brasseries puissent les réutiliser.»
Pourrait-on se retrouver avec un système de consigne qui fasse l’affaire des consommateurs, des marchands et des producteurs de boissons? Dès cet automne, le projet de règlement en édictant le cadre devrait nous en donner une idée.
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