Bière et cannelle : Pantagruel aurait choisi la bière!

Dans son fameux livre Pantagruel, Rabelais décrivait largement l’hypocras, une boisson à base de vin et de cannelle très prisée par le protagoniste de l’écrit, dont le nom signifie à peu près « assoiffé de tout ». Si la consommation gargantuesque de cet alcool était monnaie courante dans l’Europe médiévale, c’est bien parce que la bière à la cannelle n’existait pas encore! Alors aujourd’hui, qu’aurait choisi Pantagruel? Hypocras ou bière à la cannelle?

Origines

Épice la plus utilisée dans le monde après le poi­vre, la cannelle est connue depuis l’Antiquité où on la consommait déjà comme épice, mais où on l’utilisait aussi pour ses vertus médicinales ainsi que pour divers rituels et cultes religieux. Mentionnée dans les rituels d’embaumement égyptiens, dans les textes sanskrits, dans les écrits d’Hippocrate ou dans la Bible, l’épice fait partie des plus anciennes au monde. Écorce intérieur du cannelier, on dénombre quatre espèces principales : la cannelle de Padang, de Saïgon, de Chine (ou casse) et de Ceylan (ou vraie cannelle). Ce sont ces deux dernières variétés que l’on retrouve le plus souvent, la cannelle de Ceylan restant la plus prisée car plus douce et au parfum plus discret, la cannelle de Chine offrant des arômes plus marqués, âcres et poivrés.

On raconte que seul les Salagama, une caste associée à la culture de la cannelle au Sri Lanka, avaient le droit de toucher à l’épice. Quiconque y contrevenait risquait la peine de mort. L’épice fut d’ailleurs longtemps source de conflits car fortement convoitée entre Sri Lankais, Portugais et Hollandais au XVe siècle, puis entre Français et Anglais au XVIIIe siècle. C’est à la moitié du XIXe siècle seulement que les Anglais levèrent les droits d’importation faramineux de celle-ci, pour rester compétitif avec les Hollandais qui plantèrent de nouveaux canneliers en Indonésie, rendant alors la cannelle accessible à la majorité de la population et la démocratisant ainsi. Aujourd’hui, l’Indonésie et la Chine restent les plus gros producteurs de cannelle, la Grande Bretagne, l’Espagne et les États-Unis étant les plus gros consommateurs.

À table!

Très polyvalente, la cannelle s’utilise aussi bien dans les plats salés que sucrés ou même dans les boissons. Exhausteur de goût, la cannelle permet de faire ressortir le sucré d’un plat sans l’ajout de ce dernier. On la retrouve dans les mélanges d’épi­ces les plus classiques : curry, cinq épices ou garam masala. Très appréciée dans les pays d’Afrique du Nord, elle est monnaie courante dans les taji­nes d’agneau et fruits secs. Les anglais en raffolent dans leurs plats de courges avec lesquelles la cannelle se complait. Associée au gingembre, au clou de girofle ou à la muscade, la cannelle s’exprime d’avantage.

Dans les desserts, la cannelle est reine. Impossible d’imaginer le pain d’épice, les tartes aux pom­mes, les brioches, le riz au lait sans un soupçon de celle-ci, particulièrement en Amérique du Nord où les becs sucrés l’apprécient énormément. Pensons aux fameux bonbons à la cannelle qui font tressaillir le palet de nombreux consommateurs étrangers. Côté liquide, on en est tout aussi friands. Vin chaud, cidre chaud, punch, rhum arrangé, chocolat chaud, thé chai ne sont que quelques exemples de sa polyvalence. Amateur de sensations fortes, le Goldschläger est fait pour vous! D’origine suisse, cette liqueur à la cannelle se reconnait d’entre mil­le avec les paillettes d’or que sa bouteille contient.

Attention cependant à cette épice! Riche en cou­marine, une consommation excessive peut entraîner des problèmes de foie. Pensons aussi au fameux défi de la cuillère de cannelle visant à ingérer une cuillère plein de cannelle sans la recracher et dont les médecins mettent en garde, étant riche en fibres de cellulose bio-résistantes pouvant causer des dégâts irréversibles aux poumons!

Les bons amis de la cannelle

Très polyvalente, la cannelle se plait naturellement avec bon nombre d’ingrédients. On l’aime ainsi avec l’abricot, l’amande, l’anis, la badiane, la banane, le bleuet, le cacao, le café, la cardamome, le clou de girofle, la coriandre, les courges, le curry, la fraise, le gingembre, le laurier, l’orange, le poivre du Sichuan, la pomme, la poire, le raisin ou la vanille. Elle se plait aussi bien avec l’agneau, que le bœuf, le poulet ou le porc.

Riche en coumarine, la cannelle raisonne particulièrement bien avec la fève tonka, la lavande, le mélilot, le panais, la réglisse ou l’herbe de bison qui aromatise la vodka Zu­browka. Thé, scotch, rhum, alcool anisé, cidre, vin rouge ou vin liquoreux seront aussi de bons compagnons. Bien sûr, la bière n’est pas en reste, certaines variétés de houblon pouvant aussi être riches en coumarine.

Et dans la bière?

Impossible de penser à la cannelle sans penser aux bières de Noël, ces fameuses bières gourman­des et épicées du temps des Fêtes ou aux automnales bières à la citrouille que l’épice vient régu­lièrement agrémenter. Fraîchement revenue sur les tablettes, la Ale-Ô-Ween du Trèfle Noir en est un excellent exemple où cannelle et citrouille sont associées au clou de girofle, gingembre et muscade. Bien sûr, on peut aussi la retrouver à même la recette comme dans la Blanche Neige de Dieu du Ciel, une Witbier au clou de girofle et à la cannelle qui sera disponible directement au pub cette année.

On retrouve la cannelle dans des bières à boire chaudes comme dans la Yule d’Hopfenstark ou dans la Glühkriek de MicroBrasserie Charlevoix. Certaines bières brunes matûrées en fût de chê­ne de vin rouge peuvent aussi développer des arô­mes rappelant l’épice. De même, des bières brassées avec ajout de foin, comme la Opération Foin, une collaboration entre la Microbrasserie du Lac St-Jean et la Tête d’Allumette, peuvent vous rappeler des arômes de cannelle; la coumarine contenue dans la cannelle définissant chimiquement les arômes de foin. Il en est de même avec les bières aux esters épicés, de façon plus discrète toutefois, comme les Saisons ou les bières refermentées avec des levures Brettanomyces.

Comment les accorder?

Amateur de l’épice, agrémentez vos plats de cannelle et choisissez des bières aux arômes de girofle, le clou de girofle faisant ressortir les arômes de cannelle. Ainsi, optez pour des bières sauvages barriquées dont le bois et les levures sauvages peuvent développer de l’eugénol, molécule aromatique définissant l’arôme de girofle, ou pour des bières de type Saison au caractère rustique. On pense notamment aux Saisons classiques de Dunham ou de Hopfenstark.

Les bières aux notes chocolatées ou fruitées sont aussi d’excellente candidate pour un accord soyeux. Choisissez des Milk Stout ou des Pastry Stout, ou pour plus de légèreté, des bières aux arômes d’abricots ou de pomme. Essayez la Grätzer du Verger de Harricana, une bière de blé fumé et moût de pom­me que vous associerez avec une tarte aux pommes caramélisées, cannelle et meringue légèrement brûlée.

À l’inverse, choisissez la Ale-Ô-Ween du Trèfle Noir et osez l’accompagner d’un filet de bœuf à la cannelle, purée de courge et abricot, et crumble d’amande. Envie d’un snack? Faîtes-vous des chips de panais avec un peu de poudre du très boréal mélilot, les deux étant riches en coumarine. Choisissez la bière de Noël des Trois Mousquetaires pour accompagner un braisé d’agneau avec compote de fraise, girofle et gingembre.

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